mardi 1 février 2011

#1 La playlist du mardi /// JajaClub


La playlist des deux prochaines semaines

Carte blanche à JajaClub


Comme les bonnes oranges ne poussent pas que chez nous, allons donc nous diversifier avec cette playlist internationale proposée par la célèbre webradio JajaClub.

Au menu, Bollywood, du garage rock hongrois, du funk hendrixien ghanéen, de la musique kabyle d'Algérie, du psychédelisme paraguayen, du rock sixties venu de l'ancienne Yougoslavie, les dignes héritiers espagnols de Jefferson Airplane, du garage rock angolais (vous apprendrez par la même occasion que la langue officielle là-bas et le portugais), du rock de Singapour et Malaisie, de la musique iranienne pré-révolution islamique, la star incontestée du rock turc, et pour finir et faire un petit lien vers l'actualité, la légende du funk psychédélique égyptien.

Qui a dit que le Comité des oranges n'était pas un blog de découvertes?

Et comme le JajaClub ne s'arrête pas là, vous pourrez les entendre en live ce vendredi soir en deuxième partie de soirée (vers 23h) à l'International, rue Moret, à Paris, pour un battle avec les jeunes et prometteuses djettes de De Perdidos Al Rio ! Les oranges seront de la partie.

Laissons maintenant la parole au JajaClub, pour un petit tour d'horizon de leur playlist. Patience lors de son écoute, certaines chansons sont plus longues à charger que d'autres. Sur ce, bonne écoute!

Sapan Jagmohan - Meri Aakhon Mein Ek Sapna Hai Feat Mohammed Rafi and Pankaj Mittra (edit) (1981)


Sapan Jagmohan n’est pas le nom d’un obscur chanteur indien des années 1970, mais bien l’association des prénoms de Sapan Sengupta et Jagmohan Bakshi, célèbre duo de compositeurs de scores pour Bollywood. Meri Aakhon Mein Ek Sapna Hai figure sur la bande originale de Videsh, grosse production sortie en 1977. Curieusement, Polydor India en sortira plusieurs éditions vinyles et la version de ce titre figure sur celles de 1981 et 1984. En 1981, les deux musiciens retravaillent le morceau, ce qui lui vaut la mention edit entre parenthèses. Introduction par un riff de guitare tout en arpèges et handclaps bien sentis avant que basse et batterie n’imposent leur loi. Le chant de Mohammed Rafi, star masculine de Bollywood, et Pankaj Mittra lui confèrent cette touche surannée et si particulière qui caractérise les productions indiennes.


Nemenyi Bela & Atlantis - Kinai Fal (1968)


Atlantis, c’est un groupe de garage comme la seconde moitié des années 1960 en a produit par centaines ou milliers, je ne sais pas, aux États-Unis et en Angleterre. Seule différence - mais pas des moindres -, Atlantis est un combo hongrois. Si, si, la Hongrie, ce pays d’à peine 10 millions d’âmes dirigé par les Communistes de 1945 à 1991 et donc théoriquement coupé de toute influence occidentale. Sauf que. Des guitares électriques ont pénétré le marché et la jeunesse hongroise, les oreilles pleines de rébellion mondiale captée sur les grandes ondes des transistors, s’est mise à produire un rock aussi fiévreux que celui de ses camarades de l’Ouest. Une fuzz hargneuse, une batterie aux breaks ravageurs, une basse virevoltante et Nemenyi Bela au chant. La recette parfaite pour un titre renversant. Au fait, Kinai Fal, c’est la muraille de Chine... Communiste, on vous a dit.


The Psychedelic Aliens - Gbe Keke Wo Taoc (1971)


Accra, 1970. De jeunes musiciens fans de raw funk sixties façon James Brown et du rock à la sauce Hendrix sortent leur premier (et unique) EP, enregistré au Nigéria voisin. Puis la fusion combinant rock et folklore latino de Santana leur fait tourner la tête. Ils décident à leur tour d’incorporer des éléments musicaux africains - en particulier de Highlife, le son en vogue dans le Ghana de l’époque -, et délaissent l’anglais pour le chant. Forts de leur succès, les Psychedelic Aliens sont les seuls locaux invités à monter sur la scène du festival Soul to Soul qui réunit le 6 mars 1971 le hall of fame de la musique noire américaine dans la capitale ghanéenne. Gbe Keke Wo Taoc, tiré de l’un des deux simples du groupe parus en 1971, illustre en 2:30 chrono l’alliage parfait entre garage, psychédélisme et afrobeat. Il aura fallu quatre ans de travail au collectionneur Frank Gossner pour sortir fin 2010 les huit titres connus de ce groupe aussi éphémère qu’exceptionnel.


Les Abranis - Chenar Le Blues (?)


Fondé en 1967 par le chanteur-guitariste Karim Abranis, Abranis a d’abord été abusivement crédité Les ou El Abranis sur leurs premiers 45 tours. Sorti sur le micro label français Bordj el Fren entre la fin des années 1960 et le début des années 1970, Chenar Le Blues (« J’ai chanté le blues ») est un petit bijou de rock arabisant. Guitare fuzz, basse et orgue se répondent l’un après l’autre par dessus une batterie à la précision impitoyable, puis vient se poser un prêche nerveux en arabe. En 1973, Abranis remporte le Premier prix du Festival national de la Chanson. Le début du succès. Aujourd’hui, le groupe continue de se produire et est reconnu après 40 ans de carrière comme le plus grand de rock kabyle. Pour l’anecdote, il existe une version disco de Chenar Le Blues sortie en 1977, en pleine mode paillettes-pattes d’eph’. Moins bon, malheureusement.


Fabio - Lindo Sonho Delirante (1968)


Né Juan Zenon Rolon au Paraguay, Fabio gagne Rio en 1967 sur les conseils de Tim Maia, l’une des super stars de la soul brésilienne, qui l’a initié à la musique noire américaine et aux psychotropes si prisés des hippies. Lindo Sonho Delirante, en français « beau rêve délirant », est une ode au LSD, comme la pochette du 45 tours le laisse clairement entendre. Le public, trop frileux, ne suivra pas Fabio dans son trip psychédélique et les ventes seront désastreuses. En pleine dictature militaire, il fallait un certain courage de se fendre d’une telle provocation... Quarante ans plus tard, le côté sulfureux n’est plus qu’anecdotique. Reste un groove furieux et des arrangements hallucinants. Bonne montée.


Grupa 220 - Prolazi Jesen (1968)


Pour tous ceux qui croient que dans les Balkans la musique se résume à Goran Bregović et aux fanfares, voilà du rock. Et du lourd. Chef de lance du mouvement des Non Alignés, la Yougoslavie de Tito regardait beaucoup vers l’Ouest, notamment question musique. Ainsi, dès le début des sixties, le rock gagne la fédération grâce à la bande son des manèges ambulants italiens et français qui s’y déplacent. Les Grupa 220, eux, se forment à Zagreb, capitale de la république de Croatie, en 1966. Deux ans plus tard, ils sont au faite de leur gloire et sortent leur premier LP. L’arrivée de Branimir Živković, clavier et flûte, fait alors évoluer le son du groupe, comme le prouve ce sublime Prolazi Jesen, tout en mélancolie et psychédélisme assumé. Nappes de guitare, clavier lancinant et chant éthéré, sûr, « L’automne passe » avec son ciel gris et bas et le froid qui s’installe.


Los 5 Diablos - El Fuego (?)


En pleine dictature franquiste, la jeunesse espagnole de la seconde moitié des sixties rêve elle aussi de liberté et d’Amérique. Elle vit au rythme de la soul et du rock qui secouent alors les pistes de danse. Le flamenco, c’est pour les anciens ou les touristes venus profiter des installations balnéaires flambant neuves de la Costa Brava. Après avoir tenté pendant des années de copier les Beatles, les Kinks ou les Rolling Stones, les groupes locaux ont le choix : surfer sur la vague psychédélique alors en pleine expansion ou l’adapter à la mode espagnole. Les 5 Diablos chantent dans leur langue maternelle, mais prennent sans hésiter la route tracée par Jefferson Airplane et consorts. Leur « El fuego », c’est un brasier sonore qui vous brûle comme le soleil andalou. Ouille.


Os Gambuzinos - Aida (?)


Oui, ça crachotte et pour la qualité on repassera. Depuis deux ans, je cherche une meilleure version de ce titre. Sans succès jusqu’à présent. Il faut dire que dénicher une copie propre d’un groupe de garage angolais totalement (ou presque ?) inconnu tient de l’exploit. Surtout que près de trois décennies de guerre civile ont laissé le pays totalement exsangue. Vous aurez compris qu’il n’y a presque aucune information sur ces Gambuzinos, alors concentrons-nous sur le morceau. Pas besoin de parler le portugais pour comprendre qu’Aida est la chanson d’un amour impossible, ou perdu. Ça commence par une complainte chant, basse, guitare avant qu’un gros break de batterie sonne la fin de la récré. La suite c’est un orgue et des cuivres, de la sueur et du sang. Ça crachotte toujours et tu pleures.


Mike Ibrahim & The Nite Walkers - Senyum Selalu (début des années 1970)


Backé la plupart du temps par les Nite Walkers, Mike Ibrahim était l’une des stars de la (petite) scène rock de Malaisie et de Singapour. Au début des années 1970, le jeune homme enregistre une série d’EP clairement influencés par le beat et le garage à la mode quelques années plus tôt dans le monde occidental. Dans cette partie de l’Asie du Sud-Est, le rock est arrivé grâce à un concert des Shadows et de Cliff Richards en 1961. Strictement instrumentaux au départ, les groupes malaisien changent d’avis deux ans plus tard, après la venue des Beatles. Clairement influencé par les groupes anglais et américains, Mike Ibrahim n’incorpore pas d’éléments traditionnels locaux à sa musique. Par contre, il chante en malais, avec une voix nasillarde. Et c’est agaçant, drôle ou surprenant. Peut-être les trois à la fois.


Ramesh Das - Sharm-e Boos-e (?)


Avant la révolution islamique de 1979, l’Iran du Shah fut l’un des pays musulmans les plus sensibles à la culture occidentale. Porté par une croissance exponentielle grâce au pétrole, l’envie de liberté y trouvait un écho à la hauteur des espoirs de la jeunesse locale. De James Brown à Gainsbourg, les influences sont nombreuses et des milliers de 45 tours de pop, de soul ou de rock s’enregistrent. La vraie star féminine iranienne, c’est Googoosh, actrice et chanteuse au charisme et à la beauté incontestables qui a servi de modèle à plusieurs générations de jeunes filles. Ramesh Das, elle, est une quasi inconnue. Pourtant son Sharm-e Boos-e, sorte de Shocking Blue oriental, est une bombe. Une voix aérienne, une basse puissante et des breaks bien sentis.


Erkin Koray - Yağmur (1971)


Erkin Koray c’est, avec Barış Manço, LA star incontestée du rock turc. Et de la fin des sixties au début des eighties, tout le pays a vibré aux sons de la fuzz et de l’orgue Hammond, au son de l’Anadolu Rock, ce cocktail explosif mêlant rock, jazz, funk et mélodies orientales. Au début Yağmur, « la pluie », tombe à coups de cymbale et d’arpèges descendants de guitare, puis la batterie et la basse se posent calmement. Après 45 secondes, le fantasque Erkin Koray - il faut voir son visage maquillé, sorte de Kiss arabisant - se met à chanter et l’eau tombe à verse. Flying Lotus ne s’est pas trompé en pompant telle quelle toute l’instru de ce titre pour mettre en son le Kobwebz de Gonjasufi. Écoutez deux playlistes dédiées à l’Anadolu Rock (http://www.balkanophonie.org/anadolu-rock-grooves-turcs et http://www.balkanophonie.org/grooves-turcs-psychedeliques)


Omar Khorschid - Rakset El Fadaa (1974)


En Égypte, son pays natal, Omar Khorschid est une véritable légende. Sa mort prématurée en 1981 a sûrement contribué à forger le mythe, mais il doit surtout sa gloire à un exceptionnel jeu de guitare. Lui qui préférait clairement les sons américains, « Tom Jones, James Brown », ne s’imaginait pas jouer pour une formation orientale quand il a lancé Les Petits Chats son premier groupe de garage en 1966. Et pourtant. Oum Khalsoum, impressionnée, l’engage pour son backing puis il est recruté par un célèbre orchestre égyptien. Khorschid décline d’abord la proposition arguant que la guitare est un instrument mineur dans la musique orientale, puis finit par accepter à cause de l’insistance du chef d’orchestre. Au début des années 1970, il part vivre au Liban où il enregistre Rakset El Fadaa, dans lequel se mélangent parfaitement toutes ses références. Une intro surf-psychédélique qui n’en finit plus suivi d’un énorme breakbeat oriental font de ces 7 minutes et 47 secondes un chef d’œuvre absolu de funk-rock arabisant.



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