jeudi 19 août 2010

#4 Les lyrics du jeudi /// Dominique A


Dominique A - Immortels (from La Musique)

(Constantin Brâncuşi, Le Baiser, extrait, 1916)

De l'idée que l'amour nous fait accéder à une certaine forme d'immortalité, car il est un sentiment qui se donne comme immortel, intemporel, qui semble nous extraire du champ de la finitude, de la mort, de la contingence de la vie. Une expérience si forte qu'il semble que nous n'appartenions plus au temps, une expérience dont la mort nous serait le révélateur.

Car c'est bien de la mort et du deuil qu'il s'agit dans le texte de Dominique A. L'être aimé est parti(e), semble-t-il de manière un peu subite. Celui ou celle qui reste cherche pourtant à la rassurer autant qu'à se rassurer, car maintenant, plus rien ne peut plus affecter cet amour, que ce soit des tracas de la vie (à l'instar d'un Roméo et Juliette) ou du temps qui passe. Il a maintenant acquis une forme d'intemporalité. Ce n'est pas un amour éternel, c'est un amour hors du temps. Il en vient à se demander si il ou elle n'est pas parti justement pour garder à jamais cet amour intact, pour prouver qu'il peut dépasser l'épreuve de la mort, à l'image des amours mythiques entre dieux immortels.

L'aimé restera à jamais dans son esprit, autant que les baisers qu'ils ont échangés, et ce sang, l'image même de la vie, celui-là même que l'on échange pour se jurer un amour ou une fraternité éternelle, il ne sèche pas.

Mais si ce texte prend la forme d'une vraie déclaration d'amour, il laisse également apparaitre un constat d'échec sur la vie. Car pour parfaire cette immortalité, il lui faut également mourir. La mort ne serait donc pas seulement le révélateur de l'immortalité de l'amour, elle en serait également la condition nécessaire. Pour que rien ne puisse finir, pour être là quand ils ne le seront plus, pour figer à jamais cet amour, les deux doivent accéder à cette forme d'intemporalité. Et, se persuadant qu'il ou elle l'avait sans doute compris avant, le survivant se prépare à l'y rejoindre pour devenir à son tour immortel.

Comme cette étrange oeuvre du sculpteur roumain Brâncuşi où les deux corps fusionnent pour donner un rectangle parfait, gravé à jamais dans la pierre.


Je ne t'ai jamais dit
Mais nous sommes immortels.
Pourquoi est-tu parti
Avant que je te l'apprenne?
Le savais-tu déjà?
Avais-tu deviné
Que des dieux se cachaient
Sous nos faces avinées?

Tous les baisers reçus
Savais-tu qu'il duraient?
Qu'en se mordant la bouche
Le goût en revenait?
Et qu'il y avait du sang
Qui ne sècherait pas
Tu me donnais la main
Pour boire de ce sang là.

Je ne t'ai jamais dit
Mais nous sommes immortels
Immortels
Immortels.

As-tu pensé parfois
Que rien ne finirait?
Et qu'on soit là ou pas
Quand même on y serait.
Et toi qui n'es plus là
C'est comme si tu étais
Plus immortel que moi
Mais je te suis de près.

Je ne t'ai jamais dit
Mais nous sommes immortels
Immortels
Immortels.

2 commentaires:

  1. merveilleuse chanson! et beau commentaire!
    cependant je ne pense pas tant que l'amant croit qu'il faille mourir pour parfaire cette immortalité amoureuse, qu'il ne tache de s'en persuader. Car c'est bien de l'impossibilité du deuil, en même temps que d'une mystique de l'amour, qu'il s'agit.

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  2. Oui. alors l'immortalité amoureuse, comme signifiant finalement, et uniquement, l'impossibilité du deuil, devient presque un handicap à la vie, quand l'autre est bien mort...
    merci au comité des oranges pour ce très beau texte!

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